Entretien avec le commissaire

La Métropole de Lille est en 2020 Capitale Mondiale du Design, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

« La candidature de Lille a représenté pour toute l’équipe du commissariat une motivation très importante : contrairement à des villes déjà reconnues pour leur faits d’armes en matière de design, la Métropole de Lille a proposé de faire du design un levier au service de son territoire. Et c’est cette posture qui nous semble particulièrement intéressante parce que tournée vers l’avenir. En décembre 2020, ce ne sera pas la fin de Lille Métropole capitale du design, mais le début d’un mouvement de design au service de l’innovation sociale, du développement soutenable et de la démocratie »

Vous avez rencontré plus d’une centaine de porteurs de POC, de designers… Que vous a apporté cette expérience ?

«  Tout d’abord une belle aventure humaine : quand le Comité de la Capitale Mondiale du Design appelle les acteurs privés, publics du territoire, la société civile pour mobiliser plus de 500 intentions de projets en moins d’un an, il en résulte un grand mouvement qu’il faut explorer en détail, analyser pour comprendre quelles sont les tendances émergentes. Nous en avons identifié une quinzaine autour du vivre et du faire ensemble, des communs, des nouveaux usages, de partage et d’entraide… Mais pour en savoir plus, il faudra visiter la Maison POC Ville Collaborative qui propose aux visiteurs de mener l’enquête comme notre équipe l’a fait et de sentir les tendances émerger… 

Quels enseignements tirez-vous en matière de design ?

« On peut dire que les méthodologies de conception participatives caractéristiques des approches de design deviennent monnaie courante dans les projets tant pour les acteurs privés que les collectivités locales ou la société civile. « Nothing about me without me » comme le dit l’expression consacrée : rien qui me concerne ne doit être fait sans m’impliquer ! Et cette évolution en cours, constatée dans l’échantillon d’une centaine de projets du territoire de la Maison POC Ville Collaborative est une bonne nouvelle et certainement un gage de qualité pour l’avenir dans un pays comme la France trop souvent épinglé pour ses approches descendantes, ces processus hiérarchiques et en surplomb coupés des parties prenantes et déconnectés des usagers finaux ! »

Quel impact avez-vous constaté suite à la propagation de la pandémie ?

« La crise sanitaire actuelle a plongé le projet de la Maison POC Ville Collaborative dans un choc profond mais aussi dans un paradoxe très stimulant pour le design : les mécanismes de socialisation se sont arrêtés, les élans de solidarité ne doivent pas dépasser le mètre cinquante réglementaire, les réflexes d’entraide sont maintenus à distance,

l’empathie naturelle est freinée… La pandémie convoque le design d’une nouvelle proxémie de la ville collaborative. Les POC présentés explorent des questions fondamentales pour le design comme la digitalisation en marche forcée de l’enseignement, la résilience de nos territoires en matière de sécurité alimentaire, les nouvelles solidarités dans les quartiers, l’économie de l’attention et de la confiance… »

Vous déclarez que la Maison POC Ville Collaborative est une « non-exposition », Qu’entendez-vous par là ?

« Les formes de monstration traditionnelles que sont les expositions d’artéfacts sur des socles ou la photographie d’objets sur les pages d’une revue peinent à traduire les formes émergentes de design pour l’innovation sociale, l’action publique, les modes de vie soutenables : quand votre POC consiste à coordonner la consommation d’énergies photovoltaïque entre voisins ou à réduire le gaspillage alimentaire dans les cantines, il n’y a pas forcément quelque chose à exposer ou une belle photo à faire ! C’est pourquoi nous avons choisi de montrer le design par des formes de spectacles, de théâtre, de narration, de performances en live ou en vidéo, bien plus à même de faire comprendre les problèmes complexes, de raconter les processus, de révéler l’intangible, etc. »