« On n’a pas le temps », « on n’a pas les ressources », « l’élu en charge du projet n’est pas porteur de la démarche », « le chargé de mission qui a lancé le projet est parti », etc.
Il y a des tonnes de raisons pour ne pas faire de l’évaluation. Tantôt vraies, tantôt prétextes, tantôt surmontables, tantôt infranchissables, ces raisons ont pour résultat de ne pas faire de l’évaluation. Longtemps, on a pensé que le manque d’évaluation était dû au manque de méthodologie et d’outils. Des guides, outils, bonnes pratiques, modes d’emploi ont alors été élaboré. Or cela n’a pas vraiment changé les choses. Que faut-il faire alors ?
Strategic Design Scenarios et Quadrant Conseil, à l’initiative du Commissariat Général au Développement Durable ont décidé de travailler à un dispositif de « préchauffage de l’évaluation ». Et ce dispositif a donné lieu à un jeu, que l’on a appelé : EVALOPHOBIA. La logique est la suivante : si ce n’est pas un manque de techniques, d’outils et méthodes qui empêchent l’évaluation de se faire, qu’est-ce donc ? Il y a des raisons multiples, diverses et qui s’additionnent bien souvent. Cela résulte en un ensemble de conditions défavorables à la mise en place d’une démarche d’évaluation.
Le travail doit donc porter sur : l’identification du contexte actuel (quelles sont les raisons, qui aujourd’hui, chez moi, bloquent/limitent/empêchent la mise en place d’une démarche d’évaluation) et l’identification de tout un tas de trucs et astuces, de leviers pratiques et concrets à actionner pour permettre de rassembler un maximum de conditions favorables minimum pour se lancer dans l’évaluation. A la manière du préchauffage de votre voiture, vous devez, avant de vous lancer dans une longue route, vérifier les voyants qui s’allument sur votre compteur, vérifier l’état général de votre voiture. De la même manière pour les collectivités, il s’agit ici de vérifier l’état de la situation afin de se lancer (ou non d’ailleurs) dans une démarche d’évaluation dans les meilleures conditions de réussite.
A quoi ressemble le jeu ? Evalophobia est un jeu de cartes de deux types : d’une part, des cartes « raisons » et d’autres part des cartes « leviers ». Ces cartes, tirées d’expériences réelles, vécues et inspirées des collectivités participant au groupe de travail, se présentent sous la forme de citations à propos de l’évaluation, formulées en langage parlé/naturel/direct tel qu’entendu au quotidien dans les services/administrations. Selon les modalités de jeu (plusieurs scénarios existent, du jeu à un seul joueur, au binôme, au petit groupe ou encore au grand groupe), les joueurs rassemblent les cartes raisons qu’ils jugent comme les plus fortes, pertinentes pour leur collectivité « ça, ça me fait écho, c’est vraiment comme ça chez moi », et cherchent à identifier l’ensemble des leviers qui permettent de soulever ces différentes « raisons pour ne pas faire de l’évaluation ».
Enfin, les joueurs sont amenés à analyser/discuter des cartes leviers au regard d’un certain nombre de questionnements : ce levier est-il actionnable à mon niveau ou à d’autres niveaux [hiérarchiques], ce levier est-il activable rapidement ou à long terme, l’impact pressenti de ce levier est-il plutôt faible ou bien fort, et enfin, ce levier réclame t-il beaucoup de ressources ou peu (et de quelle nature) ?
Ce processus, ludique, décalé et collectif, se veut être à la fois un objet de discussion sur l’évaluation, de partage des points de vue, de confrontation des perceptions, de convergences, et d’aide à la décision concernant la mise en place (ou non) d’une démarche d’évaluation.
Ce jeu a été co-créé avec plus d’une quarantaine d’acteurs des territoires (collectivités), d’acteurs ressources (Cerema, etc.), et d’acteurs de l’état (CGDD, DREAL, etc.) à travers des séries d’ateliers à Paris au CGDD, à Aix Métropole, à Choisy le Roi et dans 3 autres collectivités territoriales qui se sont prêtées au jeu pour tester le jeu.