Retour sur la promenade du samedi 19 novembre après-midi dans les quartiers Karreveld-Scheutbos-Mettewie

Troisième promenade de la série, les marcheurs du quartier ” Karreveld-Scheutbos-Mettewie” se sont retrouvés samedi 19 novembre après-midi dans les locaux d’Atrium Karreveld. Découvrez ci-après le récit imagé de la promenade.

 

• Atrium Karreveld / dimension territoire et mobilité

En ce début d’après-midi, les marcheurs du quartier ” Karreveld-Scheutbos-Mettewie” se retrouvent dans les locaux d’Atrium Karreveld, situés au n° 441 de la Chaussée de Gand. Malgré notre nombre, chacun trouve une place autour d’une grande table. Martine Bourguignon nous présente les activités de cette antenne d’Atrium dont elle est responsable : comme elle le rappelle, le but poursuivi est essentiellement d’assurer le dynamisme de ce quartier commerçant situé sur la portion la plus au nord de la Chaussée de Gand (sur la portion molenbeekoise de cette dernière, s’entend), et ce, en veillant à l’accueil de nouvelles enseignes, à la qualité du dialogue entre commerçants et autorités publiques, à la présence d’infrastructures urbaines accueillantes pour la clientèle, à l’animation des commerces lors de certains évènements, etc…

Ce petit rappel opéré, nous emmenons le débat vers la question de la mobilité durable. Plusieurs participants font état de leurs pratiques quotidiennes de l’espace public communal pour aller à l’école, faire les courses, … Divers comportements de déplacement durable peuvent être identifiés : emploi raisonné du moyen de transport selon les cas (climat, chargement,…), emprunt de la voiture d’un ami, usage des voitures partagées Cambio, … Cependant certains obstacles s’élèvent, tels que l’impossibilité pour la personne non propriétaire d’un véhicule de disposer d’une carte de parking “riverain” lui permettant de stationner (avec sa voiture d’emprunt) près de son domicile. Cet illogisme révélé au cours de la promenade sera relayé par Martine auprès des autorités.

 

• Atouts Jeunes / dimension sociale

Quelques dizaines de mètres plus loin, nous pénétrons dans les locaux d’Atouts Jeunes. Ils trouvent place dans une simple maison. Des pièces conviviales de taille réduite et peintes tout en couleurs, accueillent les bureaux, mais aussi de petites salles de rencontre où les parents et les jeunes sont accueillis et écoutés lors de permanences. Atouts Jeunes les assiste en partie de façon directe par des conseils mais agit également comme relais entre ces citoyens et les services (publics ou associatifs) existants. L’un des objectifs est de faire remonter vers les autorités les dysfonctionnements rencontrés sur le terrain, notamment dans l’application de politiques. Atouts Jeunes initie également des actions sur le terrain pour accompagner ces politiques et permettre à tout un chacun d’en bénéficier. L’une de leurs dernières actions consiste à accompagner les parents au moment de l’inscription de leurs enfants à l’école afin de tenter d’un peu mieux atteindre les objectifs de mixité sociale visés par le « décret inscriptions » : les aider à remplir les formulaires sur Internet, avoir avec eux une réflexion sur le choix de l’école et sur ce qui fait sa qualité, identifier les moyens de  contribuer à cette qualité pédagogique,…

Dans ce cas encore, la promenade sera l’occasion de mettre l’accent sur certaines difficultés existantes. Une, en particulier, sera rappelée à de multiples occasions au cours du présent parcours : « Il y a un manque considérable d’endroits, pas nécessairement structurés, on l’on puisse se rencontrer, réfléchir ensemble » ; « une sorte d’espace public chauffé et éclairé, à la disposition de tous, où les habitants puissent réfléchir à leurs problèmes collectivement. », …  où se poser pour réellement discuter, et plus simplement se croiser », « où forger des collaborations durables entre citoyens et groupes de citoyens, faire naître mais aussi durer des projets ». « Il y a eu auparavant des « Maisons du Peuple », mais cela n’existe plus. »L’idéal serait que ce service reste relativement peu formalisé et souple, qu’il y ait un certain roulement dans les occupations. L’enjeu est à la fois de créer des lieux d’interaction suffisamment identifiables par les citoyens, tout en évitant l’attribution exclusive des lieux.

Sur la fin de la visite, de futures collaborations sont envisagées « entre deux portes » entre Atouts Jeunes et les représentants d’une école de devoirs non subsidiée, privée de locaux depuis la fin du Contrat de Quartier. En complément à son côté convivial et informel, voici la promenade transformée le temps d’un instant en un espace citoyen de projet et de progrès de la manière la plus concrète qui soit !

Dans la suite de notre parcours, nous empruntons la rue Jules Delhaize, bordée d’ensembles de logement créés au siècle passé pour les ouvriers. Il s’agit de superbes ensembles architecturaux, dont l’aspect cherche, malgré la sobriété, à magnifier le geste paternaliste d’alors. Nous mettons en débat la dimension durable de ces logements. Vieux d’un siècle, ils semblent très solides au point de pouvoir encore rester en place de nombreuses décennies. Mais ces logements sont-ils durables d’un point de vue social ? Leurs dimensions conviennent-elles à la vie actuelle ?Par ailleurs, des marcheurs mettent en doute la durabilité des logements créés dans les bâtiments industriels désaffectés : souvent surdimensionnés, ils surconsomment espace urbain et énergie. Socialement, ils sont fréquemment habités par une population “fantôme”, qui ne participe d’aucune façon à l’espace public du quartier. Enfin, une construction durable peut abriter des comportements non durables. Tout en longeant l’îlot entier occupé par les énormes bâtiments Delhaize, certains marcheurs se mettent à imaginer de possibles affectations futures.

 

• Parc Marie-José : Amis du Scheutbos et Compost Molenbabbel / dimension environnement

Arrivés au pied de l’impressionnant ensemble de logements faisant face à la station de métro Beekaant, nous redescendons ensuite le boulevard Machtens pour entrer dans le magnifique Parc Marie José. Nous longeons son étang et parcourons ses beaux reliefs pour aboutir, après avoir franchi la butte, sur l’esplanade donnant sur l’avenue Joseph Baeck. Sur cette petite place bordée de bancs, nous nous rassemblons pour écouter Jean Levèque nous présenter les actions des Amis du Scheutbos. L’espace vert du même nom – trop excentré pour que nous ayons pu envisager d’y faire passer les promenades -, nous est présenté sur base de photos tenues, coudes contre coudes, par les marcheurs : sympathique exposition vivante ! Jean nous explique la philosophie de cette association qui, en collaboration étroite et parfaitement harmonieuse avec la Commune et Bruxelles Environnement, œuvre à la gestion de ce patrimoine exceptionnel en pleine ville. Par de multiples actions collectives (de ramassage de déchets et d’arrachage de plantes invasives, à chaque fois clôturées par des piques niques), par de fréquentes visites guidées à caractère pédagogique (tenues en français, en néerlandais et en anglais), mais aussi par la philosophie de conservation du Parc (conservation de faune et de flore non élitiste, au profit d’un Parc ouvert et non segmenté par des clôtures), le lieu s’ouvre au public et au quartier. La réflexion est la suivante : la nature est d’autant mieux respectée si elle est comprise, et pour cela, il faut pouvoir l’approcher, la toucher. Loin d’être un musée « sous cloche », le Parc est un lieu d’apprentissage, de rencontre et d’échange social. Jean rappelle enfin qu’à l’échelle de la ville, ce Parc s’inscrit dans le maillage vert, indispensable continuité de nature en ville pour permettre la survie des espèces animales et végétales, que les instances urbanistiques et Bruxelles Environnement s’attèlent à renforcer.

Nous rejoignons ensuite la bordure sud du parc, sur laquelle nous découvrons, tout en longueur, le site du tout jeune compost de l’association Molenbabbel, inauguré… le matin même ! Sur fond sonore d’entraînement de football (le terrain est situé en contrebas), Françoise Gilain nous explique le principe de fonctionnement, très simple : les habitants volontaires se constituent membres du compost, sont renseignés sur la façon de trier leurs déchets (tous les déchets organiques ne peuvent pas aller au compost) et peuvent ensuite apporter leurs déchets, soit lors de la permanence, soit à n’importe quel moment (ils disposent d’un moyen d’entrer sur le site). La mise en place d’un tel projet a été subsidiée par les pouvoirs publics et encadrée techniquement par WORMS asbl, qui assiste la mise en place de composts collectifs dans toute la Région Bruxelloise. De façon plus personnelle, Nele Wouters nous indique ce qui l’a motivée dans cette initiative : fraîchement arrivée dans le quartier, elle éprouvait la nécessité de créer des liens avec les autres habitants et ce compost était une magnifique occasion. On voit comment toutes ces initiatives répondent d’autant mieux à l’enjeu de développement durable qu’elles l’investissent de façon transversale, ici par exemple, comme dans le projet des Amis du Scheutbos, en croisant dimensions environnementale et sociale.

Enfin, à partir du compost, émerge la question plus générale du traitement durable des déchets. A Molenbeek, un projet d’envergure pose cette question : sur le site de la gare de l’Ouest destiné à un grand réaménagement urbain dans le futur, une déchetterie temporaire géante devrait voir le jour. Cette action répond de façon très directe au problème de dépôts clandestins fréquents sur la Commune, et encore plus spécifiquement aux abords directs de ce lieu. Il s’agit d’une mesure qui devrait contribuer au développement durable, sur le plan social par l’amélioration du cadre de vie et sur le plan environnemental par l’incitation et la facilitation des comportements responsables (apporter ses déchets à la décharge, les trier, …). Cependant, le débat s’ouvre entre les marcheurs : tout le monde n’est pas d’accord : la déchetterie effraye par les nuisances qu’elle pourrait causer et donc par un effet retour pervers sur le cadre de vie (bruit, odeurs) ou même sur l’environnement (pollution). Pus tard dans la journée, on évoquera également le potentiel de recyclage, de réparation des objets jetés sur le site même de la décharge ;  et – pourquoi pas – la création d’emplois.

 

• Magasin Oxfam : actions Oxfam et Réseau d’échange local REL 1080/ dimension économique

Nous terminons cette belle après-midi de marche dans le magasin de vente d’objets de seconde main d’Oxfam, au pied de la passerelle et de la station de métro Beekaant. Nous sommes invités à nous installer au beau milieu du magasin, dans un salon très confortable improvisé avec des sofas et des tables de salon de récupération. Autour d’un apéro agrémenté de jus, vin, chips et excellents chocolats de la gamme Oxfam, Allison Oostendorp nous présente une vue générale d’Oxfam afin de nous aider à bien saisir l’étendue et la spécificité des actions menées, extrêmement diversifiées. Oxfam se décline tout d’abord en deux organismes bien distincts : Oxfam Magasins du Monde et Oxfam Solidarité. Au sein de ce dernier, Alisson est coordinatrice du secteur « seconde main », qui, comme expliqué dans un article précédent (journée de repérage du 4 novembre), touche à toute une série de dimensions du développement durable à partir d’une économie alternative, basée sur la récupération.

Pour poursuivre la réflexion sur la dimension économique, M. DeLeuw nous présente la toute récente mise en place du Réseau d’Echange Local molenbeekois REL 1080, auquel est également associée Martine Bourguignon. Ici, c’est par le système d’échange de services (garde d’enfant contre voiturage, bricolage contre aide cuisine, aide aux malades contre traduction, …) que la pure économie de marché trouve une alternative. Sur base d’un listing reprenant l’offre exhaustive des services proposés (en cours de constitution), le membre fait son choix, prend rendez-vous et délivre un « bon » au prestataire du service rendu. Ce dernier pourra alors plus tard échanger ce bon contre un autre service, fourni par cette personne, ou une autre, selon ses besoins. Par rapport aux SEL, déjà existants et fortement institutionnalisés, la procédure se veut extrêmement simple et accessible, moyennant une cotisation annuelle d’adhésion symbolique (2 euros). Au-delà de ses implications économiques (meilleure accessibilité de certains services sur un principe d’entraide et de valorisation des savoir-faire), ce système permet surtout d’impulser des dynamiques de cohésion sociale et de reconnaissance entre voisins.

Toujours bien installés dans notre « salon », nous terminons la journée avec le traditionnel débriefing de fin de promenade. Nous proposons aux participants de revenir sur des points qui leur semblent importants et qui n’ont pas ou pas assez été abordés au cours de l’après-midi de marche. Trois sujets sont particulièrement (re)mis sur le tapis : le projet de déchetterie temporaire sur le site de la gare de l’Ouest, la durabilité des logements sociaux et la nécessité de locaux pour abriter les initiatives citoyennes. Nous proposons également réfléchir à cette démarche de promenade citoyenne autour du développement durable : quels sont les atouts et les faiblesses de l’outil, comment l’améliorer ? Ce temps de pause convivial nous permet de récolter certains éléments complémentaires qui pourront nourrir le diagnostic de l’agenda 21 communal. Echanger sur la façon dont la promenade a été vécue, enfin, contribuera à l’évaluation de l’outil « promenade » par le consultant. L’objectif est d’ajuster et affiner cet outil avant de le transmettre, comme prévu, aux acteurs locaux qui pourront s’en saisir et organiser leurs propres promenades.