Rencontre avec Serge Pouts-Lajus le 15/11/10…

Serge Pouts-Lajus est venu nous exposer sa vision de l’éducation et du système scolaire.

Il introduit son exposé par les problématiques suivantes:

Qu’est-ce qu’un service?

Qu’est-ce que considérer le lycée comme un prestataire de services?

Quelles conséquences pour le modèle du lycée?

Il commence son propos en définissant le mot « servuction », littéralement la production de service, un néologisme issu du marketing, datant des années 80.  La spécificité de la servuction réside dans le principe de co-production, où l’implication du client dans le fonctionnement du service est plus important; voire déterminante.

On distingue trois aires dans un service: le front office (où se rencontre le prestataire et le client: école, guichet de banque, restaurant), et deux back office celui du client (dans le cas de l’école: l’élève) et celui du prestataire (directeur, profs, gérant). Ainsi la qualité d’un service dépend en grande partie de la qualité des back office. Si l’on considère aujourd’hui que la modernisation des services repose sur l’augmentation de la part produite par le client et si l’on effectue l’analogie à l’école alors cela suppose de la part de l’élève plus d’investissement. Investissement conditionné par le « back office » de l’élève et donc ses conditions de vie.

Dans un second temps, Serge Pouts-Lajus nous parle de l’influence de la culture sur l’éducation:

Quel en est l’impact sur cette institution et quelles en sont les formes générées?

Une forme visible de l’institution éducative est l’établissement scolaire, autrement dit une forme quasi universelle, de transmission et d’élaboration d’une culture.

Une forme qui peut sembler universelle dans un premier temps (sur certains points: un bâtiment, des profs, des élèves…) mais qui l’est en réalité superficiellement.

En comparant le système français et le système américain Serge Pouts-Lajus nous montre deux modèles en totale opposition.

Si le système français est basé un modèle national, unilatérale, le système américain lui est au contraire ancré localement, dans un territoire spécifique.  En ce sens, on trouve d’un côté un système très homogène et rigide, de l’autre, un système plus hétérogène et flexible où cohabitent des formes d’éducation variées. L’une voit la mission de l’école comme le moyen de « construire des citoyens libres » tandis que pour l’autre il s’agit plus d’un « laboratoire de la vie sociale démocratique » au service de la communauté.

Cependant aujourd’hui, il n’y a pas de formule idéale car dans un cas comme dans l’autre le système est en crise.

En dernière partie il nous expose deux problématiques concernant l’organisation de l’information:

Quels systèmes d’informatiques pour la communauté éducative? Quels en sont les enjeux?

Au sein de l’éducation Serge Pouts-Lajus considère deux ordres: l’administratif et le pédagogique. Deux organisations en opposition. D’un côté, on peut le qualifier de rationnel, hiérarchisé, contrôlé, de l’autre, libertaire, anarchiste voire individualiste. En effectuant l’analogie aux systèmes informatiques on obtient deux modèles l’un fermé et l’autre ouvert (open-source). Pour renforcer l’image il qualifie cette tension d’analogue à celle que l’on peut trouver entre l’ingénieur et le designer, entre une informatique d’arrière-garde et une d’avant-garde dite « créative ».

L’enjeu d’après lui serait donc de parvenir à concilier ces deux univers pour ne former plus qu’un seul et même système.

Il rappelle qu’en France, le lycée, le système scolaire en général, laisse peu ou pas de place à l’histoire, à l’empreinte et qu’il n’en demeure finalement qu’un lieu de transit, impersonnel.

Un problème généré entre autre par le fait que le personnel dans un lycée (directeur et enseignants) sont nommés par le ministère et se sentent donc moins engagé dans une dynamique de projet  commun. S’ajoute à cela un souci de temporalité, où les personnes ne se retrouvent à être que  « de passage » et non a être dans une logique de long terme.

Ainsi sur cet aspect l’informatique aurait un rôle à jouer intéressant puisqu’il constitue par nature un mode de conservation mais aussi de coopération et d’échange. L’interrogation subsiste sur la manière dont les choses vont s’opérer.

Il finit en nous parlant d’un projet de réforme concernant le « service des profs » autrement dit la nature et la durée de leur fonction. Aujourd’hui en moyenne, les profs sont présents 18h par semaine au sein d’un établissement, avec une position assez hermétique face aux élèves en dehors des heures de cours. Changer ce service consisterait en l’augmentation de leurs heures de présence partagées en deux temps celui des cours, et celui de la mise à disposition des élèves. L’information ayant elle même un rôle à jouer dans cette relation profs/élèves car permettrait de la faire évoluer en facilitant l’échange.

Serge Pouts-Lajus a enseigné les mathématiques. Il a dirigé une société d’édition spécialisée dans la création de logiciels éducatifs (Cedic-Nathan) avant de devenir consultant et chercheur au sein de l’OTE (Observatoire des technologies pour l’éducation en Europe) puis de la société Education & Territoires qu’il a créée en 2003. Il a coordonné un programme d’observation et d’analyse des usages des TIC dans des institutions culturelles (Espace Culture Multimédia) et des établissements d’enseignement pour les ministères de l’Education nationale et de la Culture et la Commission Européenne. Il accompagne aujourd’hui les collectivités territoriales dans la conception, la mise en oeuvre et l’évaluation de leurs politiques éducatives, en particulier dans le domaine des TIC. Il publie régulièrement dans la presse spécialisée et sur le Web.

Serge Pouts-Lajus rencontrera les étudiants du Studio Expérimental ‘Inventer les lycées demain’ le lundi 15 novembre 2010 de 16:30 à 18:30…